L'invention du présent

   " (...) Louis Dumont (1983) a dessiné les grands traits du modèle primordial dont il se dégage progressivement, celui de la société holiste, où l'individu est une simple partie de la totalité qui l'englobe : l'avenir est un destin fixé d'avance, la vérité et la morale sont imposées collectivement, l'identité personnelle elle-même est définie par la place occupée dans le groupe.

  Notre société ouvre une autre perspective, totalement inverse : un centrage sur l'individu, incité à s'autodéfinir, sommé de choisir, choisir et choisir encore, à chaque instant, dans tous les domaines. Choisir sa vérité, alors que l'offre de réponses possibles, vulgarisée par les médias, ne cesse de devenir plus abondante et contradictoire ; y compris à propos des gestes les plus simples de la vie quotidienne autrefois transmis par la tradition. Choisir sa morale, dans un univers très large de valeurs n'excluant qu'un petit groupe d'interdits.

Choisir ses liens sociaux, et constituer son capital de relations, ce qui exige désormais un travail et une compétence (qui n'est pas distribuée au hasard sur l'échiquier social). Imaginer son futur, et intervenir selon des scénarios et projets, rendant ainsi caduque l'idée de destin.

Enfin définir et construire soi-même sa propre identité,

ne laisser à personne, surtout pas à la société, le soin de dire qui l'on est et qui l'on sera.

Cette invention du présent et de l'avenir implique nécessairement un travail intérieur, un face-à-face avec soi, une réflexivité. Ce qui ne signifie pas isolement. Norbert Elias (1991 a) montre au contraire que l'approfondissement de l'intériorité est liée à la multiplication et à la diversification des liens d'interdépendance. L'individuation n'est pas un repli autarcique. (...)

Mais ce qui compte est le sens du mouvement à long terme : la responsabilisation toujours plus forte, la volonté de façonner soi-même sa propre vie ".

(...)

Jean-Claude Kaufmann,

dans le riche livre La femme seule et le prince charmant (enquête sur la vie en solo, en poche aux éditions Pocket, 1999).

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Il est également l'auteur d'autres livres, la plupart très accessibles et en poche, notamment Premier matin (2002) ; Quand je est un autre (pourquoi et comment ça change en nous) ; L'invention de soi (une théorie de l'identité, 2007) ; 

Casseroles, amour et crises (ce que cuisiner veut dire, 2006) ; Agacements : les petites guerres du couple (2007) ; La trame conjugale : analyse du couple par son linge (2000) ; Sociologie du couple ; Familles à table (2007) ; L'entretien compréhensif (2007)  ...

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